Le travail de Malcolm Goldstein, violoniste, improvisateur et compositeur, se déploie sur un demi-siècle. Innovations en concert le retrouve dans son appartement, entouré de partitions graphiques, de toiles et d’artefacts.
Quelles pièces présentez-vous à Innovations en concert ?
Le programme compte une pièce que John Cage a composée pour moi, Eight Whiskus, et deux de mes propres compositions, une en souvenir de John Cage, Gentle Rain Preceding Mushrooms, et une autre en souvenir de Morton Feldman. C’est une vieille blague, mais je dis que j’ai écrit cette pièce pour Feldman parce que lui ne m’en a pas écrit. Je présente aussi une improvisation ouverte. Toutes les pièces sont des structures improvisées – ce ne sont pas des pièces écrites. Je joue aussi la pièce My Feet is Tired but my Soul is Rested, basée sur la grève des autobus à Birmingham dans les années 1950.
Dans votre pratique, quelle est la nature de la relation entre l’improvisation et la composition ?
Les deux sont un. J’ai étudié à l’université dans les années 1950 et je me suis lié au Judson Dance Theatre dans les années 1960 et depuis, l’improvisation fait partie de toute ma musique. Et la composition, et l’improvisation sont intégrales. Je joue des improvisations ouvertes et aussi des improvisations structurées, et chacune diffère selon les besoins de la musique.
Décrivez le rôle de la structure dans l’improvisation.
« Structure »… c’est un mot dur. Ça sonne comme si je bâtissais un immeuble. Je dirais « format », peut-être. C’est-à-dire, de nombreux différents formats donnent lieu à de nombreuses différentes expériences pour l’interprète et le public. Chaque pièce comporte une variété de sortes et de degrés d’improvisation, selon les interprètes pour qui j’écris. Une nette différence entre l’improvisation et la composition, c’est la linéarité. Souvent, la musique commence dans un lieu déterminé, son parcours est tracé, sa fin, définie. Lorsqu’on travaille des formats et des structures d’improvisation, ils deviennent des spirales vers le ciel ; ils peuvent être circulaires ; ils peuvent être des structures « promenade dans un champ ».
Pensez-vous qu’il y a une relation entre cette absence de linéarité et la musique ancienne, comme Bach ou Monteverdi ?
Pas forcément, puisque la notation confère la linéarité. Toutefois, j’apprends les sonates et les partitas de Bach par cœur et je pense qu’une bonne partie de cette musique (particulièrement les mouvements lents), c’est de l’improvisation qui a été écrite. Je suis convaincu que l’improvisation servait pour trouver de nouvelles dimensions de l’expérience, du matériel source. C’est comme chanter une mélodie folklorique : on ne chante jamais exactement la même chose. Cela se distingue complètement de l’enseignement dans les conservatoires, où l’on communique un doigté et un jeu d’archet à perfectionner et à répéter de la même manière chaque fois. C’est plate ! La vie nous change, nous donne de nouvelles dimensions et, espérons-le, nous offre de nouvelles intuitions par rapport à cette chose appelée une pièce de musique. Une pièce de musique n’est pas une pièce de musique. C’est une base, un perpétuel processus.
Diriez-vous qu’il y a des dimensions sociales ou politiques à la dynamique de pouvoir que vous décrivez ?
Bien sûr. J’ai joué dans des orchestres quand j’habitais New York et la hiérarchie dans cette musique est très, très claire. Il y a Dieu, ensuite le compositeur, ensuite le chef d’orchestre, ensuite le maître de concert et ainsi de suite jusqu’au plus bas, où il y a le percussionniste ! Alors en composition, le compositeur est généralement un col blanc et le faiseur de musique est un col-bleu. En improvisation, il y a un nivellement de la hiérarchie.
Vous avez une longue carrière, de la Judson Church dans les années 1960, au travail avec Cage, et ainsi de suite. Percevez-vous des différences dans ce contexte et celui des jeunes musiciens, compositeurs et improvisateurs professionnels en début de parcours aujourd’hui ?
En partant, il faut dire qu’on ne se croyait pas professionnels, et on ne pensait pas à nos carrières. Jamais. On était simplement un groupe de jeunes qui faisaient de la musique, de la danse, du théâtre. La perspective était très différente. Maintenant, même ceux avec très peu d’expérience songent à leur carrière, à leurs bourses. Je ne suis pas contre la carrière ou les bourses, mais en tant qu’objectif, je pense que c’est une erreur. On faisait chaque petite chose – absolument chaque petite chose – pour aucun argent. Et on le faisait pour la joie du travail et par besoin de créer cette sorte d’activité.
Parfois, j’entends : « Je ne peux pas faire cette activité-ci parce que je n’ai pas reçu ce soutien-là ». Si tu veux faire quelque chose, fais-le. Fais-le par besoin. Je ne dis pas qu’il ne faut pas être payé. On devrait être payé. Mais c’est une question de nos valeurs de départ. Pour moi, le travail est la chose la plus importante.
- Isak Goldschneider, le 11 septembre, 2011
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à Innovations en concert, jeu, 29 sept 2011 participer à l'atelier de Malcolm Goldstein
à Innovations en concert, 27, 28 et 29 sept 2011