retour au zine
entretien

avec Richard Reed Parry

Au moment où Isak Goldschneider d’Innovations en concert s’est entretenu avec Richard Reed Parry, ce dernier sortait d’une séance où il enregistrait une chorale pour sa nouvelle pièce DRONES/REVELATIONS (qui sera interprétée par des cyclistes électroacoustiques, dans une coproduction Pop Montréal-Innovations en concert) et se préparait à partir avec Arcade Fire pour le festival Austin City Limits.

Vous entretenez un dialogue entre musique électroacoustique, musique pop, etc. Comment en êtes-vous arrivé à ce dialogue?

Il s’agit simplement de se plonger dans le son de quelque chose – je ne dirais pas exactement que « Drones/Revelations » constitue de la musique électroacoustique. Elle est très tonale, très rythmée par endroits, ce qui me valait toujours des froncements de sourcils à l’école… C’est cette attitude qui a fini par me détourner de l’électroacoustique. Cela dit, il existe des trucs ni tonaux ni rythmés qui sont fantastiques… et qui, soit dit en passant, ne sont ni de l’électroacoustique ni de la pop.

Cependant, j’imagine qu’il existe une approche essentiellement gestuelle, qui habite des espaces essentiellement esthétiques, et c’est ce qui donne à la musique son élan. On a une idée, une inspiration, qui sert de tremplin, puis elle passe aux espaces esthétiques et gestuels, au lieu d’être propulsée par une mélodie ou un rythme, comme dans la musique populaire. Bien qu’elle renferme ces éléments, je crois qu’en musique électroacoustique, on ne voit pas la musique comme étant portée par la mélodie, l’harmonie, le rythme, ces choses-là. Or, moi, je n’ai rien contre le fait que ce soit ces choses qui propulsent la musique.

… Il y a l’école des arts ou le monde de la musique artistique, dont le cadre est flou; puis, il y a le monde des musiques nouvelles, dont le cadre est plus substantiel; enfin, il y a le monde des groupes rock, qui n’a pas un cadre flou de ce genre, mais qui est sensible au fait que la fin puisse justifier les moyens. On fait ce qu’on veut faire, on tente de trouver des sons intéressants sans se limiter à un cadre donné. C’est beaucoup plus intuitif que certains domaines plus académiques des nouvelles musiques.

Sur quels projets de composition travaillez-vous en ce moment?

Je travaille sur une série, en fait, une série de pièces qui, sauf une, sont des commandes. Elles ont toutes pour paramètres rythmiques le rythme cardiaque et le rythme de respiration de l’interprète – en fait, ces paramètres règlent tous les aspects de la performance. Les musiciens jouent en suivant constamment leur rythme cardiaque ou leur respiration. Ils portent des stéthoscopes… J’ai d’abord écrit un duo qui, au final, m’a emballé, puis un ami qui dirige un festival de musiques nouvelles à Cincinnati m’a commandé une pièce pour le Kronos Quartet. Parallèlement, on m’a commandé une autre pièce pour l’orchestre symphonique de Kitchener-Waterloo, alors j’en ai écrit une où tous les musiciens de l’orchestre portent des stéthoscopes! Ensuite, cette année, j’en ai écrit une pour YMusic, un fabuleux sextette de New York. L’an prochain, j’en écrirai deux autres : une pour la violoncelliste québécoise Geneviève Guimond et une l’autre pour un ensemble à cordes allemand, Kaleidoscope. Enfin, je composerai un autre solo pour Bryce Dessner du groupe The National – il dirige le festival qui a commandé ces pièces. Ça me semblait logique d’écrire le dernier morceau de la série pour celui qui l’a commandée, d’autant plus que c’est un guitariste classique incroyable.

Ce qui m’attire dans ces pièces à stéthoscope, c’est qu’elles sont déterminées et pourtant différentes chaque fois qu’elles sont jouées, parce qu’on a tous un rythme cardiaque différent. Certains éléments sont aléatoires, et elles adoptent des formes par grappes qui trébuchent les unes sur les autres, mais leur structure interne est suffisamment précise pour qu’elles suivent la voie que je leur ai tracée.

Utilisez-vous des voix différentes pour des publics différents?

Quand je compose, je ne sais pas vraiment à quel auditoire je m’adresse, mais règle générale, le public qui va à un concert de musiques nouvelles est là pour écouter et vivre une expérience, sans savoir exactement à quoi s’attendre. Alors que le public qui va à un concert d’Arcade Fire ou du Bell Orchestre va voir ce groupe faire ce pour quoi il est connu. C’est très différent. On trouve plus d’ouverture d’esprit en dehors du Monde du Rock. Dans le Monde du Rock, il faut faire de gros spectacles rock, sans quoi ce n’est pas du rock. Et lorsque je travaille trop dans un de ces univers, l’autre me manque.

- Isak Goldschneider, le 15 september, 2011, Montréal

assister au concert de Richard Reed Parry
à Innovations en concert, sam, 24 sept 2011

assister à la conférence de Richard Reed Parry
à Innovations en concert, mar, 27 sept 2011