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avec Adam Kinner

Adam Kinner est un artiste éclectique. Bien connu pour son talent avec les instruments à anches, il a joué avec de nombreux groupes dont Thee Silver Mt Zion, Suuns, tUnE-YaRds, Grand Trine, Kalmunity et le SMCQ. Dans le cadre d’Innovations en concert, il nous présentera un nouvel aspect de son travail lors de sa prochaine prestation le 21 janvier prochain à la Sala Rossa.

Une de mes plus grandes surprises avec One Thing You Can Do a été d’entendre un saxophoniste jazz s’aventurer dans un domaine que j’associerais au texte et au théâtre. Qu’est-ce qui a inspiré cette nouvelle direction dans ta pratique d’interprétation?

Lorsque j’ai commencé à travailler sur la pièce, je jouais beaucoup de musique qui, pour la grande part, me plaisait beaucoup. Cependant, j’avais l’impression que l’art de l’interprétation musicale revenait du tout au même, ce qui commençait à m’agiter. J’ai donc cherché à m’écarter des conventions de l’interprétation musicale qui me semblaient restrictives. J’ai aussi réalisé que l’art qui m’émeut le plus n’était pas la musique. Pour la première fois, j’ai donc pensé : “Pourquoi ne pas faire autrement?”. C’est une lutte constante que de créer quelque chose de significatif pour soi qui est à la fois porteur de sens pour d’autres. Je me suis soudainement rendu compte qu’afin de redonner un sens à la musique dans ma vie, j’allais devoir expérimenter avec les limites perçues pour déterminer à quelle point elles présentaient de véritables contraintes. J’ai commencé avec la littérature, ensuite la danse.

Je devrais aussi mentionner que je me suis toujours considéré écrivain et me suis toujours senti très près de la danse. En fait, j’étais intéressé par leur capacité d’offrir une expérience qui ne m’était pas disponible en tant que musicien. J’ai donc voulu amener un peu de ces formes d’art sur la scène musicale, puisque c’est là où je me trouvais. C’était mon monde.

Une fois que j’ai commencé à travailler le texte, j’ai senti que ça fonctionnait et tout a découlé à partir de là. J’ai commencé à comprendre que d’emprunter à une forme d’art et de confondre les genres pouvait être une force en soi. Est-ce texte ou musique? Est-ce qu’il parle, joue ou danse? Ce sont toutes des questions que je trouvais importantes.

Tes nouvelles pièces suggèrent une préoccupation avec les frontières entre la vie et l’art, voire même un désir de les éliminer. Est-ce la direction que tu cherches à prendre avec tes prestations?

Lorsqu'on regarde un musicien jouer, on pense généralement que ce qu'il fait est un reflet plus ou moins fidèle de ce qu'il est. Cette impression est moins forte lorsqu'on observe l'interprétation d'un danseur ou d'un acteur. Je crois que c’est quelque chose qu’on prend pour acquis en tant que mélomanes : le plus authentique la personnalité du musicien, le plus authentique leur musique. Pour plusieurs raisons, ça rend la vie de musicien inconfortable. Pour d’autres raisons, ça peut représenter une certaine force ; tu peux être ‘honnête’ sur la scène et ce sera respecté par les gens. Les acteurs, quant à eux, ne peuvent pas être ‘honnête’ au même titre.

Tout ça pour dire qu’en tant que musiciens, nous amenons nos vies - nos identités - avec nous sur la scène et on suppose que nous ne mentons pas. Une fois qu’on commence à regarder d’autres formes d’art, on peut voir que confondre les identités - voire tromper - peut avoir un effet puissant. J’ai remarqué qu’il y a une forme d’honnêteté qui est projetée par ces identités confondues - une qui est effectivement plus mêlée, mais qui s’avère plus fidèle. Je suis, à la fois, la personne que vous voyez dans la pièce et non. Ce paradoxe me semble une représentation beaucoup plus fidèle que d’essayer de convaincre un public que j’ai la personnalité parfaite d’un musicien (évidemment, ce n’est pas le cas - pour personne.)

Tu étudies présentement différents aspects de l'art performance, de la danse, de la chorégraphie... Quelles nouvelles directions rencontres-tu? Est-ce que ceci a une influence sur ta manière de percevoir la musique?

Oui, je me fais ‘donner des leçons’ en danse et art performance, peut-être même en art en général. Je fais du travail à l’Université Concordia et j’ai aussi de bons amis qui m’ont pris sous leur aile et me montrent ce qu’il en est. C’est merveilleux de savoir que toutes mes préoccupations au sujet de la musique et de l’art performance ont déjà été considérées et étudiées par des personnes brillantes. J’ai aussi eu la chance de faire des performances de type danse. Un vrai rêve.

Maintenant, mon défi est d’incorporer tout ça dans ma musique. En tant que musicien de formation, j’ai beaucoup de bagage musical. Il y a des idées qui sont tellement enracinées que je ne peux même plus les voir - je ne sais même pas qu’elles y sont. C’est même intimidant de les confronter. Mais c’est aussi un processus qui fait du bien parce que ça me donne une plus grande proximité à l’oeuvre. Tranquillement, j'essaie d’incorporer toutes mes expériences extérieures à ma musique. C’est un beau défi. Je suis certain qu’il y a une façon de le faire. On verra si j’y arriverai.

Est-ce que ces nouvelles pièces conservent un aspect de ton rôle de saxophoniste jazz? Est-ce que nous rencontrons un tout nouveau Adam Kinner?

J’ose croire que c’est toujours le même Adam Kinner. En fait, je travaille toujours comme saxophoniste et j’adore encore ça. C’est drôle; plusieurs de mes amis ne savent pas nécessairement que d’autres me connaissent comme ‘danseur’. C’est un peu une double vie. À vrai dire, jouer de la musique avec des amis est un des plus grands plaisirs de la vie. Évidemment, ce n’est pas le seul - parce que de faire d’étranges performances de danse est un plaisir - mais c’est un des grands.

 - Isak Goldschneider, le 10 janvier, 2013, Montreal

www.adamkinner.wordpress.com

Assister au concert de Adam Kinner avec Andy Costello, le 21 janvier, 2013